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Une femme au pas sage



Pourquoi avez-vous choisi le soin comme métier


Je ne sais même pas si je me suis posé cette question un jour. J’ai choisi un métier et non un acte au départ. J’ai choisi de suivre ma passion pour les femmes enceintes et les bébés. C’était il y a 20 ans. J’ai d’abord fait l’école d’infirmière parce que je n’y connaissais rien au monde paramédical et que je doutais de mes capacités. Je suis heureuse d’avoir fait ce choix car j’ai ainsi approché l’humain dans sa globalité (du moins physique) mais j’ai rapidement compris que mon indépendance, mon autonomie et mon caractère faisaient de moi une sage-femme bien plus qu’une infirmière (sans jugement de valeur).

J’ai aimé apprendre le fonctionnement du corps humain et les soins le plus souvent « techniques » qui en découlaient. Ma vie de soignante a été assez conventionnelle au départ. Et puis au fil du temps et des expériences, je suis devenue sage-femme véritablement. Je me suis éloignée de l’uniformité pour accompagner l’unicité. Et là a été toute la différence, je ne soigne plus tellement avec des gestes ou des actes, j’accompagne.

La guérison vient de soi, je suis là pour permettre de trouver les ressources, pour guider et encourager. Une sage-femme est gardienne de la physiologie en premier lieu, ses soins sont donc majoritairement des soins de confort et de sécurité et non de guérison (bien qu’une naissance soit souvent un chemin de guérison émotionnelle).

Alors avec un peu de recul, au départ c’est un acte plutôt technique que j’ai choisi d’apprendre et pratiquer, le soin du corps par la médecine allopathique qu’on me décrivait comme étant la seule et unique valable et sécuritaire. Et par mes expériences professionnelles et de vie, c’est un soin holistique en perpétuel évolution, fait de savoirs multiples et variés qui m’a conduit vers ce que je définirais actuellement comme un art et un chemin de vie personnel. .


Un événement ou une situation difficile que j'ai traversé


Plus qu’un événement particulier, ce sont des événements à répétition qui ont construit la personne que je suis et la voie que je suis.

J’ai passé 10 ans en milieu hospitalier. Avec un élan passionné au début, à courir d’une personne à l’autre, à gérer l’imprévisible, à être dans l’action et fière d’être utile. J’ai appris beaucoup je l’admets. J’ai aussi compris un système en le vivant et le ressentant de l’intérieur, j’ai cru en ce que je faisais, j’ai jugé ce que je ne connaissais pas et qui me faisais peur, comme les naissances à la maison : pauvres fous et inconscients qui osaient défier la sécurité d’une médecine toute puissante. Oui, j’ai été de ces personnes. J’ai aussi été certaine d’être bienveillante et sécure en imposant des positions d’accouchement par exemple, en faisant une épisiotomie ou en appuyant sur le ventre d’une femme hurlant pour « l’aider » à faire sortir son bébé. J’ai « accouché » des centaines de bébés…et puis la certitude a laissé place aux doutes.

Etrangement, la physiologie s’imposait à moi de plus en plus souvent. Je parvenais à suivre ma petite voix intérieure et à visualiser l’accouchement à venir. Je « savais » que tout irait bien, alors j’intervenais de moins en moins, travailler dans le calme de la nuit était souvent idéal. Pas de médecin pour m’imposer quoi que ce soit et une liberté que j’ai rapidement su utiliser. Par chance, les années s’étaient accumulées en ma faveur et j’ai ainsi pu m’offrir un peu d’autonomie. Cela m’a permis d’expérimenter la simplicité de la naissance, mais mon champ d’action restait bien limité. Petit à petit, je me suis de plus en plus souvent trouvée en désaccord avec mes actes protocolés. Ce qui me semblait évident auparavant ne l’était plus, je commençais à tout remettre en question.

Le nombre de situations durant lesquelles j’ai renié mon intime conviction et par-là même renié les compétences et la force de la femme que je « soignais » se sont multipliées. D’un coté ma confiance en mon intuition, ce guide subtil mais si présent et de l’autre ma raison, cadrée, normée et dirigée par la peur collective. J’ai commencé par affirmer mon avis, mon ressenti, mais face à un mur, je me suis épuisée et la tristesse de l’impuissance s’est immiscée.

Je me sentais pourtant tellement en confiance lors des naissances, je sentais la puissance de la femme et de son enfant. J’entrevoyais ce que je vois maintenant. Cependant, j’ai rapidement compris qu’on ne peut bousculer un système en l’affrontant, mais en le contournant. Alors j’ai fait un choix, j’ai quitté la « sécurité » de l’hôpital pour la « liberté » de l’indépendance. C’était il y a 7 ans et depuis ce jour, je grandis sur ce chemin passionnant.


Comment j’ai accueilli et transformé cette expérience.


C’est par la naissance de mes propres enfants que le changement a pu se faire. J’ai expérimenté ce en quoi je croyais, c’est-à-dire la naissance libre et naturelle. Il fallait que je le fasse pour me convaincre de ce que je ressentais. Mes 3e et 4e enfants sont nés chez moi, avec une collègue. Ensuite, ce fut une évidence, je ne pouvais plus aller à l’encontre de mes valeurs. J’ai su suivre mon instinct, je n’allais pas m’arrêter en si bon chemin. Ce ne fut donc pas une histoire de courage, mais de confiance. C’est ainsi que débute ma vie de sage-femme accompagnant les naissances à la maison.

Mila est arrivée dans la douceur de son foyer et j’ai su immédiatement que là était ma place. Aucune peur, juste des étapes passées dans la sérénité. C’est un couple d’amis qui m’a fait le merveilleux cadeau de cette première naissance à la maison. Bien sûr, c’est leur confiance qui m’a porté, mais j’ai aussi réussi à écouter mon intuition et à transmettre ma propre confiance.

Et depuis lors, je n’ai fait que grandir dans cette confiance d’un événement complexe et simple à la fois, d’un passage subtil et évident, d’un acte originel. J’ai désappris ce que je savais pour découvrir une autre physiologie, LA physiologie de l’enfantement sans intervention, en confiance. Les femmes accouchent depuis la nuit des temps et oui c’est un passage délicat, intense et parfois dangereux. La médecine d’aujourd’hui peut dans de rares cas « sauver » une vie. Mais au nom de la sécurité, ce sont toutes les naissances qui sont dénaturées et cela n’est pas sans conséquences.

Et je peux ainsi explorer les diverses étapes d’une naissance naturelle, vivre les états modifiés de conscience, ressentir les mondes subtils et avancer sur ma compréhension de cette naissance autre que physique, qui à mon sens est l’essence même de l’humain. Parce que la plupart du temps, le physique n’est qu’un « détail » lors d’un accouchement, le corps sait, par contre, le mental et les émotions, si on les entend et les accompagne, sont une véritable chance d’apprentissage et d’évolution. Je crois en toutes ces femmes qui grandissent et sont plus fortes et confiantes après avoir enfanté reconnues dans leurs capacités. C’est bien loin de la réalité majoritairement vécue d’un événement traumatisant et destructeur. Une société doit se construire à travers la fierté d’une victoire et non la honte d’un échec.



Ce que je propose


Comme je l’ai compris depuis un moment, je ne peux être source de changement si je suis dans la confrontation, ce qui n’est pas toujours évident, car je suis souvent emportée par l’élan de mes émotions, c’est l’apprentissage d’une vie.

Le changement vient de la connaissance et il me semble naturel de transmettre mes savoirs et ma confiance. La naissance est une étape dans la vie, mais c’est souvent l’occasion de se poser de nouvelles questions existentielles et de se découvrir. J’aime réunir des femmes de tout âges, faire circuler les savoirs et retrouver des sagesses ancestrales et souvent universelles.

La transmission entre femmes qui a été une évidence durant des millénaires doit retrouver sa voie et c’est ce qui se passe actuellement. Je pense que cette transmission doit commencer dès le plus jeune âge, car la pensée unique proposée dans le système scolaire puis dans toute une société est une prison.

Apprendre à être souverain de son corps, de sa santé, comprendre que nous ne sommes pas des êtres défaillants et faibles, mais omniscients et si puissants. Se responsabiliser dans sa santé et ne plus dépendre de l’avis d’un médecin à tout instant. Savoir qu’il n’existe pas qu’une médecine, mais des médecines. Faire preuve de discernement sur les informations en général et suivre son instinct et son cœur, avant de suivre la norme ou la masse. Ouvrir son esprit à d’autres possibles.

Il est temps d’apprendre à faire des choix conscients et guidés par son cœur et non par la peur. Cela est valable pour toute notre vie, cela est valable pour toute MA vie. Faire découvrir une autre façon de voir la vie, montrer d’autres possibles et proposer la réflexion me tiennent vraiment à cœur. Et c’est par l’exemple de mes choix, de mes actes et de ma vie que ma parole sera entendue. C’est donc un perpétuel ajustement entre « ce que je dis » et « ce que je fais », sans parler de « ce que je pense » ! Je ne considère rien comme étant acquis et j’accepte que « mes faiblesses et défaillances » soient aussi ma force.

Le changement passera aussi par la naissance, en la respectant dans sa dimension autant physique que subtile. Et je ressens très fort le besoin d’accompagner de la même façon l’autre grand passage de notre vie qui est la mort. Tous les deux sont intimement liés et ce n’est pas un hasard si autrefois, les sages-femmes accompagnaient ces deux étapes (et d’autres passages de la vie). A trop séparer, sectoriser, spécialiser, nous avons perdu la vision d’ensemble de l’être, cet ensemble qui est une alchimie complexe et merveilleuse d’un mécanisme de vie parfait.


Marjorie Sage f’âme êtr’Ange





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