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Célébrer la naissance et la mort



Pourquoi avez-vous choisi le soin comme métier


A 18 ans, je porte ce désir de soigner, d’aider... et de voyager. Je veux aller loin, très loin de mon petit monde niché au creux des alpes françaises. J.ai soif de découvrir d’autres horizons.

Et je deviens infirmière…c’était il y a plus de 30 ans.


Pourtant, les études ne seront pas faciles, je me sens déjà insatisfaite, je suis souvent bouleversée par ce que je vois, par ce qui se vit dans les hôpitaux : la souffrance, la peur, la mort…et mon absence de réelle formation pour accompagner tout ça.


Un événement ou une situation difficile que j'ai traversé


Jeune infirmière, j’en vis plusieurs qui vont me bouleverser profondément. Mon niveau de stress est très élevé car je ne me sens pas soutenue dans ma pratique. Je dois être une bonne praticienne, efficace et performante. On ne s’occupe pas de nos émotions, de nos difficultés.

Or je suis très sensible à la souffrance humaine, au désarroi des familles, à la peur de la mort qui rôde à l’hôpital.

À cette époque, sans internet et sans beaucoup de ressources, ma quête n’est pas très claire : je suis insatisfaite et je change souvent d’hôpital, à la recherche d’un ailleurs meilleur.


Je pense que je sous-estime alors ma propre détresse car personne n’en parle à l’époque. Les soignants supportent tout.

Et puis je quitte la France et voyage dans plusieurs pays. La déconstruction débute.

Et je deviens mère. Une césarienne et un deuxième accouchement sans assistance médicale me réveillent littéralement.

Pour la première fois, je me positionne en refusant une 2e césarienne non nécessaire.

Je retrouve mon pouvoir après avoir accepté de tout perdre.

Cette expérience personnelle révèle les maux de mon désarroi professionnel.


Comment j’ai accueilli et transformé cette expérience.


Lorsque je m’installe définitivement au Québec quelques mois après cet accouchement qui m’apparaît comme une véritable renaissance, je choisis de revenir dans le système médical, en me spécialisant en obstétrique.


Je ressens profondément cet appel car je réalise que j’ai besoin de comprendre ce qui s’est passé avec la médicalisation de la naissance.

Comment en sommes-nous arrivés là dans les maternités ?

À ne plus écouter les femmes, à les contraindre, à intervenir à outrance, à les blesser.

Comment mon expérience de mise au monde vécue seule peut –elle être à ce point éloignée de ce que l’on m’a enseigné ? Je suis bouleversée.

J’ai touché à la puissance de la mise au monde, à une connexion avec quelque chose d’innomable, de plus grand que moi… J’ai ressenti la force de l’amour alors qu’on ne m’avait parlé que de peur, de risque et de douleur à contrôler.


Mais je ne sais pas quoi en faire.


Pendant plusieurs mois, je ne peux pas, je ne sais pas comment raconter mon expérience. Je ne trouve pas les mots.


Elle est trop différente. Trop décalée. Trop puissante.


Ce retour dans le monde obstétrical a été tout un parcours initiatique. Difficile. Je me retrouve souvent en conflit avec moi-même, entre ce que les femmes ressentent et me demandent et le protocole que je dois appliquer.

Mais je veux comprendre la pensée médicale, déconstruire certains schémas intégrés pendant mes études. Est-ce que je peux parvenir à dialoguer avec le système et à tenter cette rencontre improbable entre les réels besoins des femmes qui enfantent et la pensée obstétricale axée sur la gestion des risques potentiels ?

Négocier la pertinence d’un protocole.

Laisser une femme accoucher par elle-même.

Gagner du temps pour la laisser avancer.

Je me sens souvent en équilibre très précaire sur un fil ténu entre deux mondes qui ont beaucoup de mal à cohabiter et à dialoguer.

Ces années de pratique en maternité ont été d’une grande exigence et aussi d’une grande richesse.

Je réinvente un langage afin de maintenir les ponts entre l’expérience des femmes qui témoignent de puissance, d’initiation, de transformation profonde et des professionnels moulés dans une pensée mathématique, analytique.

Après de nombreuses années, j’ai fini par partir.


Et pourtant il faut des soignants qui croient en la vie, qui croient au potentiel, qui accompagnent la vie sans vouloir tout contrôler. Ces soignants ont besoin de soutien.


Ce que je propose


Personnellement, pour survivre à ma pratique, j’ai eu besoin de redécouvrir le corps par le ressenti : à travers le mouvement, le yoga, l’antigymnastique, le souffle, la méditation.

Puis j’ai découvert l’herboristerie, savoir ancestral.

Je revenais à la base, à la terre, au corps… à des connaissances simples mais essentielles.

Ainsi, j’ai eu l’impression de pouvoir enfin m’enraciner et laisser mon cœur, mon ventre et ma tête dialoguer sans avoir à choisir.


Je propose de :

  • Créer des espaces de connexion avec le corps. Renouer avec le souffle, la respiration…avec ÊTRE. Arrêter de FAIRE et apprendre à RESSENTIR, à S’ÉCOUTER. Yoga, antigymnastique, gi gong, chant, danse, massages sont des outils intéressants…


  • Renouer avec sa dimension spirituelle qui n’est pas opposée au savoir mais qui, au contraire, ouvre la voie juste et le cœur, la présence à soi et à l’autre. Elle reconnecte avec le mystère, avec l’inconnu, avec la vie et la mort.


Dans cette réorganisation d’un savoir qui n’est plus hiérarchique et extérieur mais centré sur l’humain, le soignant est dans un état de présence à lui-même qui lui permet d’être réellement à l’écoute de l’autre.


Isabelle Challut





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