top of page

De la médecine humanitaire à une médecine plus humaine

Dernière mise à jour : 3 mai 2020

Allez, je me lance! Pour avoir le plaisir de lire vos pépites, je vais vous offrir quelques lignes de mon vécu.


Pourquoi ai-je choisi le soin comme métier ?


Ado, je voulais devenir astronaute. Une fascination pour voir l’humanité toute entière réunion sur cette boule bleue dans l’infini de l’univers.

Mais mon aversion pour les maths et les lunettes sur mon nez m’ont fait remettre en question le parcours fastidieux pour aller sur la lune.

Passionnée par la biologie, les voyages et les rencontres, et dans l’optique de faire de longues études pour fuir une culture indienne enfermante, la médecine m’a paru être la voie. L’année où je devais remplir mon formulaire d’inscription dans différentes facs , mère Thérésa et la pricesse Diana sont mortes. On passait en boucle toutes leurs oeuvres humanitaires sur TV5 Monde, et je me suis dis que la médecine humanitaire était le combo parfait pour allier mon besoin de sécurité, mon besoin de servir le monde, et ma passion pour le vivant.

J’ai embarqué pour l’aventure en septembre 1998, à Montpellier, laissant derrière moi ma famille en Inde.

Durant toutes ces années de fac, et d’hôpital, des humains, j’en ai surtout vu des malades. Que l’on soignait. Mais aussi beaucoup de malades chez les soignants. Un truc me gène dans l’humanitaire. Cette sensation de néo-colonialisme où l’on n’est pas en train de rendre les gens autonomes. On met des pansements dans l’urgence. J’atterris donc à Paris, dans le service de médecine de prévention pour les pompiers.

Un jour, je décide de tout quitter. Pour créer ma pratique.

Ça va faire 7 ans que j’ai quitté la blouse blanche, pour devenir pédagogue de la santé.


Un évènement ou une situation difficile qui vous a marqué dans votre parcours

professionnel ? (Confrontation, obstacle, agression, traumatisme, remise en question...) 


Beaucoup de choses et de dysfonctionnements m’ont marquée dans ce parcours de soignante. Mais s’il y en a un qui ressort, c’est l’absence d’espace accordé aux émotions. Des soignants comme des soignés. Aucun espace pour se déposer. Dire comment nous nous sentons. Comment ça vibre pour nous ce matin. Quelle est notre météo intérieure. Je trouve ça hallucinant que l’un des lieux les plus inhumains dans une ville soit l’hôpital. Les soignés sont traités comme des dossiers, et il en est de même pour les soignants. Bien sûr je ne généralise pas. Il y a des pépites humaines partout. Heureusement. Mais encore aujourd’hui, en 2020, l’émotion est considérée comme une faiblesse. Donc on la tait. Une des conséquences directes de cet étouffement généralisé, c’est que l’on peut se retrouver dans une relation humaine: soignant/soigné où les 2 crèvent d’envie de déposer leurs émotions mais n’osent pas, et ça finit en électricité. « Le médecin ne m’a pas entendu » pour l’un et « Il n’a pas voulu prendre mon traitement » pour l’autre. Ce fameux rendez-vous manqué. C’est tellement fréquent.

Je ne me suis jamais autorisée à partager une émotion de colère, de tristesse, ou de peur à des collègues à l’époque où j’étais pompier. Etant un milieu très masculin, je devais me montrer forte. Et je repense à tous ces malentendus avec certains patients ou collègues, dûs à un manque de communication.


Comment l'avez-vous accueilli, transformé ou pas ?


Je crois que cette communication partielle monopolisée par le savoir, le mental m’a fatiguée au bout d’un moment. C’est peut-être pour cela que j’ai découvert la communication non violente, puis au fur et à mesure de mes explorations sur mon chemin de vie, j’ai réalisée que j’étais prête à faire le deuil d’un système qui ne me correspondait plus. Un système pyramidal, patriarcal qui ne laissait pas assez de place à la sensibilité et à l’humanité.

Après avoir accueilli tous ces choix de mon passé, je me suis dit qu’il était temps de lâcher ce passé, et de mettre en place ma vision du soin orientée vers la pédagogie et le self-care, en m’inspirant de mes origines indiennes et de ma passion pour la connexion numérique.

Transition qui a duré 7 ans, et qui est encore un work in progress…


Qu'est-ce que vous proposez de manière concrète dans cette médecine du futur pour éviter ce type d’évènement ?

- Décrivez deux ou trois mesures -


1- Après avoir quitté les pompiers, j’ai entamé un voyage de 3 mois aux Etats-Unis pour interviewer des pionniers de santé intégrative. Des médecins, des chercheurs, des thérapeutes. Et je me rappelle avoir visité certains services où je me suis pour la première fois chez moi. Comme ce service de médecine intégrative à l’université de Duke, en Caroline du Nord. Tous les matins, les soignants avaient un staff médical, et commençaient le staff soit par une séance de méditation, soit par une marche dans le jardin zen, suivi d’un tour de cercle des météos intérieures de chacun. Je peux vous dire que le staff qui suivait n’avait pas du tout la même saveur que les staffs de mes années d’internat. Et là j’ai réalisé que d’être dans un état de bien-être individuel et collectif pouvait contribuer à la guérison. Et que ça ne coûtait pas si cher que çà.

Cette mesure par exemple, n’est pas du tout compliquée à mettre en place, et ne coûte pas des milliers d’euros.


2- L’intelligence collective. Une autre grille de lecture du vivant que j’ai explorée dans ma transition. Grille de lecture qui vient du milieu du développement durable. Comment faire changer les mentalités et co-construire ensemble de nouveaux modèles. Ça ne s’invente pas. Et en médecine, hélas, nous pouvons avoir l’impression de tout maîtriser, de tout savoir sur tout, de maîtriser l’art de gérer les énergies humaines. Non, ça ne s’improvise pas. Passer d’un modèle pyramidal, où le médecin sait pour le soigné et lui dit ce qu’il doit faire, à un modèle plus horizontal, où le médecin, et de manière générale les soignant.e.s, co-créent avec le/la soigné.e qui est au centre du cercle et qui décide dans cette consultation créative comment il/elle va avancer dans son plan thérapeutique avec l’éclairage des soignant.e.s


3- Cette 3ème mesure me parait à la fois gigantesque, et peu probable, mais en même temps tellement palpable. Pour moi il faudrait réunir tous les conseils de l’ordre (médicaux et paramédicaux), toutes les fédérations de pratiques alternatives et complémentaires pour créer le conseil de réconciliation des médecines du monde. Et casser cette hiérarchie du soin qui pénalise au final tout le monde. Au lieu de mettre le focus sur les différences, si on commençait par regarder ce qui nous unit en tant que soignant.e.s ? Quelles sont les valeurs essentielles que nous partageons quant au respect de la vie, de la naissance à la mort ? Parce qu’au final, c’est peut-être cela le plus important ? Être au service de la vie ?


Nathalie DocLaLuna

Comments


bottom of page